Mots sauvages

Mots sauvages est un projet d’écriture né d’une impulsion photographique. La vue d’un graffiti forcément éphémère a créé une sorte d’urgence : il fallait absolument en garder trace. Émergeant sur le préfabriqué d’un chantier dans le quartier Borderouge à Toulouse, éclairé comme si on voulait le mettre en lumière, il portait une missive immobile et affectueuse, teintée d’un humour subtil mêlé à une graphie enfantine. Ni bouteille à la mer, ni cri dans le désert, juste des mots intimes offerts dans l’espace public. Modeste hommage à ce message sauvage, un texte de non-fiction a jailli sur mon écran, je l’ai publié sur mon « blog-brouillon » (mon ancien blog, aujourd’hui supprimé), ce sera le texte #0 de ce projet.

Et puis j’ai croisé d’autres mots poétiques égarés, ici, par là, là-bas, des textes plein d’esprit déroutés, des pancartes étranges ayant pourtant certainement mais bizarrement reçues un aval administratif quelconque. Une sorte de frénésie s’est emparée de moi : saisir les mots de la rue, des rues, des campagnes, des terrains vagues, des sites culturels, naturels, touristiques pour en faire des images. Attraper ces mots extra-libros, partir de l’image de ces mots et en faire le cœur de textes bruts, les racines d’une littérature sauvage inscrite dans l’univers numérique, une littérature qui ne s’embarrasse pas des genres, jonglant entre fiction et non-fiction, sans souci de définition. Une littérature générée par une écriture quasi automatique, une littérature des tripes, en colère, mais aussi parfois légère ou apaisée, en tout cas une littérature toujours impulsive.

Mots sauvages, ce sont des micro-textes sous forme de divagations fondées sur l’image de mots inscrits dans l’espace public. La littérature commence par la langue et la langue est ancrée dans la rue et le langage s’imprime dans notre monde quotidien avant que d’autres en fassent de la littérature.

En arrière-plan, se pose la question du support. L’inscription (sauvage ou institutionnelle) dans l’espace public rend-elle les mots plus forts ? Est-ce que transformer les mots en image photographique leur donne une profondeur supplémentaire, change le mode d’appropriation de celui qui les lit ? Quid du sens des mots quand on les sort de leur contexte d’expression ou d’inscription ? Et la diffusion de l’image de ces mots sur le web en modifie-t-elle le sens initial ? Et que dire de la démarche de l’auteure qui se sert de ces mots pour faire jaillir les siens ?

Inscrit dans mon parcours d’écriture chaotique, cet exercice conciliait mon regard sociologique sur le monde façonné par une antique formation universitaire et mon penchant irréfragable pour le goût des mots, qu’ils soient simples, anachroniques, humbles, argotiques, alambiqués ou exotiques.

Ce projet, à l’origine du blog, s’est étendu de l’été 2013 à l’été 2014, avec une cinquantaine de textes écrits à partir d’une photo. Je remercie tous ceux qui ont suivi le projet, en particulier ceux qui se sont pris au jeu en me faisant parvenir des visuels.

 

PS : Ce projet a inspiré un rendez-vous mensuel interblogeur « Mots éparpillés », mis en place par Florence Gindre et Margarida Llabres.

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