François Bon et le collectif Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, un auteur écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Aujourd’hui, je vasecommunique avec Sabine Normand, auteure de nouvelles et de textes poétiques, et dont vous pouvez découvrir le parcours ici. Je lui ai proposé un thème pour faire le pont entre nos deux univers : les mots sauvages.
> Accéder à la liste des vases communicants du mois de mai
> Lire mon texte « Trois petits sauvages » sur le blog de Sabine Normand.
Les mots se balancent dans la lumière
Avancent deux par deux dans la rue
Comme des asticots sauvages
des souriceaux éperdus
Les mots frissonnent
Se tiennent la main
Pas peu fiers d’être si lestes
Se sourient
Les yeux dans les phrases
Les gestes dans les adverbes
Ils avancent
à cloche-pied
à cloche-main
Je suis là
Regarde
Je suis là
et là
et là encore
Lève les yeux
la tête
Souris
Petit lune sauvage
Regarde
La pluie me porte jusqu’à toi
pour m’y blottir m’y étendre
dans le creux de ton épaule frêle
Petite lune
Petite étoile astrée
Les mots voyagent
Dans la tête forment des îlots
Ah, qu’il est doux de faire peur
aux mots doux, cachés
derrière le cyprès, là-bas
qui court se mettre à l’abri
pour échapper au silence rabattu
Les mots vont deux par deux
à la messe
Où il y a des curés et des hosties
et des chèvres noires
et des prières
Le Bon Dieu regarde
les yeux clos
à demi hébété
Les mots se signent
prient
retournent déverser leur terre sur les routes
Partent chanter plus loin
Dans les ruisseaux
Dans les rivières
Les assemblées
Les mots vont se coucher
repus
Dorment sur leurs mains
leurs pieds
leurs deux promesses.
Demain est déjà là.
Douce sauvagerie